Autisme

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Dix choses que les enfants atteints d’autisme aimeraient que vous sachiez

par Ellen Notbohm

Réimprimé du livre "Dix Choses Que Les Enfants Atteints d’Autisme Aimeraient Que Vous Sachiez" avec la permission d'auteur

On dirait certains jours que la seule chose prévisible que la vie nous réserve soit l’imprévisible, le seul aspect cohérent, précisément l’incohérence. Quel que soit l’angle que l’on adopte, il est difficile de contester que l’autisme est déroutant, y compris pour ceux qui y sont confrontés au quotidien. L’enfant qui vit avec l’autisme pourra sembler « normal », mais son comportement peut laisser perplexe et s’avérer très difficile. L’autisme était autrefois considéré « incurable », mais à mesure que l’on avance dans la connaissance et la compréhension de ces troubles, la théorie s’effrite peu à peu, y compris à l’instant même où vous lisez ces lignes. Chaque jour, des personnes atteintes d’autisme nous apportent la preuve qu’elles peuvent surmonter, compenser et même vivre avec nombre des caractéristiques les plus invalidantes de l’autisme. Transmettre à ceux qui côtoient nos enfants des éléments de compréhension simples mais néanmoins fondamentaux renforce de manière cruciale leurs chances d’avancer vers l’âge adulte de manière plus productive et autonome.

L’autisme est extrêmement complexe, mais au fil de cet article nous pourrons appréhender ses multiples caractéristiques en les regroupant en quatre catégories principales: les difficultés sensorielles, les retards et lacunes dans l’acquisition de la parole et du langage, les compétences sociales, difficiles à cerner, et tous les problèmes de l’enfant, dont celui de l’estime de soi. Et bien que ces quatre facettes puissent être communes à de nombreux enfants, encore faut-il garder à l’esprit que l’autisme correspond en réalité à un spectre, et qu’aucun enfant atteint d’autisme ne sera rigoureusement identique à un autre. Chaque enfant sera à des coordonnées différentes du spectre, et il en sera de même de chaque parent, enseignant ou personne auxiliaire. Enfant ou adulte, chacun se caractérisera par un ensemble de besoins parfaitement uniques.

Voici les dix choses que chaque enfant atteint d’autisme aimerait toutefois que vous sachiez :

Atteint d’autisme, certes, je suis essentiellement un enfant avant d’être « autiste »

Mon autisme n’est que l’une des composantes de ma personnalité. Il ne me définit pas en tant que personne. Etes-vous vous-même une personne riche de pensées, de sentiments et de compétences, ou êtes-vous juste gras (vous affichez un surpoids), myope (vous portez des lunettes) ou empoté (votre coordination est mauvaise et vous êtes nul en sport) ? Ce sont les premières choses que j’observe chez vous, pourtant vous ne vous résumez pas nécessairement à cela.

En tant qu’adulte, vous pouvez décider de la manière dont vous vous définissez. Si vous souhaitez mettre en avant un trait de votre personnalité, vous pouvez agir en conséquence. En tant qu’enfant, je suis encore en train de me développer. Ni vous ni moi ne savez encore de quoi je suis capable. Le fait même de me réduire à une caractéristique appelle le manque d’ambitions. Et si j’ai le sentiment que vous ne croyez pas que « je peux y arriver », mon penchant naturel sera de me dire « A quoi bon ? ».

Mes perceptions sensorielles sont désordonnées

L’intégration sensorielle peut être la facette la plus difficile à appréhender, mais elle n’en est pas moins la plus importante. Des visions, sons, odeurs, des goûts et des contacts de tous les jours, tellement courants que vous-même n’en êtes pas nécessairement conscient, peuvent m’être en réalité extrêmement pénibles. L’environnement dans lequel je dois vivre me semble souvent hostile. Je peux vous sembler replié ou agressif, mais sachez que j’essaie juste de me protéger. Pour toutes sortes de raisons, une « simple » sortie au supermarché pourra m’être un véritable supplice.

Mon ouïe peut être hyper-sensible. Des dizaines de personnes qui parlent en même temps. Haut-parleurs annonçant les promotions du jour sur fond de « musak ». Les caisses qui crépitent, une machine en train de moudre le café, une autre de trancher la viande. Les bébés pleurent, les caddies grincent, les néons vibrent. Mon cerveau ne parvient plus à filtrer tous ces stimuli et c’est la surcharge !

Mon odorat peut être également extrêmement sensible. Le poisson n’est pas frais, la personne à côté de moi a oublié de se doucher, le rayon traiteur distribue du saucisson, le bébé devant nous a la couche pleine, on nettoie au détergent ammoniaqué les restes d’un pot de cornichons cassé allée 3… je ne peux plus faire le tri. J’ai la nausée. Parce que je suis surtout visuel (voir ci-après), c’est ma vue qui risque d’être la première surchargée. L’éclairage fluorescent est non seulement trop vif, mais il vibre et bourdonne. Les lieux mêmes semblent vibrer et j’ai mal aux yeux. Cette lumière qui vibre fait sauter et déforme ce que je vois – l’espace semble en permanence changer. Il y a les reflets des fenêtres, trop de choses à voir pour me permettre d’appréhender l’ensemble (je compense peut-être en retrécissant mon champ visuel), les ventilateurs qui brassent l’air au plafond, des corps en mouvement perpétuel. Tout cela peut affecter mes aptitudes vestibulaires et proprioceptives, et maintenant je ne sais même plus où mon corps se situe dans l’espace.

Faites la part entre ce que je ne veux pas (que je décide de ne pas faire) et ce que je ne peux pas (ce que je ne suis pas en mesure de faire)

Le langage réceptif et expressif et le vocabulaire peuvent constituer de très réelles difficultés. Ne croyez pas que je n’écoute pas. Le problème est que je ne vous comprends pas. Quand vous m’appelez de l’autre bout de la pièce, voici ce que j’entends : « *&^%$#@, Billy. #$%^*&^%$&*……… » Venez au contraire me parler face à face en utilisant des mots simples: “Billy, range ton livre dans ton bureau. C’est l’heure d’aller déjeuner.” Vous m’indiquez ainsi ce que vous attendez de moi et ce qui va se passer ensuite. Je peux alors faire ce que vous me demandez beaucoup plus facilement.

Je suis dans le concret, ce qui signifie que je prends les choses au pied de la lettre

Je suis perdu lorsque j’entends des expressions du genre « On freine ! » alors que vous voulez juste dire « Arrête de courir ». Ne me dites pas « C’est du gâteau » alors qu’il n’y a pas de dessert en vue et si vous voulez en réalité me dire que je vais « y arriver sans problème ».Quand vous dites « il pleut des cordes », je m’attends à voir des cordes tomber du ciel. Contentez-vous de m’informer qu’il pleut très fort.

Les expressions idiomatiques, jeux de mots, nuances, expressions à double sens, déductions, métaphores, allusions et sarcasmes m’échappent complètement.

Soyez patient si mon vocabulaire est limité

Il m’est difficile de vous dire ce dont j’ai besoin alors que les mots me manquent. Je peux être affamé, frustré, effrayé ou perdu, mais au moment où j’en aurais besoin, les mots pour le dire se refusent à moi. Soyez attentifs à mon attitude, à mes signes de repli, d’agitation ou d’inconfort.

Ou alors je peux passer pour un savant ou une vedette de cinéma en débitant des mots ou des scénarios entiers bien au-dessus de ce que l’on pourrait attendre d’un enfant de mon âge. Il s’agit de messages mémorisés pour compenser mes lacunes, parce que je sais que l’on s’attend à ce que je réponde lorsque l’on me parle. Ces tirades peuvent être issues de livres, d’émissions de télévision, de conversations entendues ici et là. Le fait de les répéter est qualifié « d’écholalie ». Je n’en comprends pas nécessairement le contexte ou les mots, mais je sais que cela me laisse un répit lorsque je dois fournir une réponse.

Parce que le langage me pose de tels problèmes, je suis très visuel

Montrez-moi comment faire les choses plutôt que me les expliquer. Et n’ayez pas peur de recommencer encore et encore. Ce sont ces répétitions qui m’aident à apprendre.

Un emploi du temps visuel est extrêmement utile tout au long de la journée. Comme votre agenda, il me libère du stress d’avoir à me souvenir de ce qui suit, facilite les transitions entre les activités, m’aide à gérer mon temps et à faire ce que vous attendez de moi.

Je continuerai d’avoir besoin d’un emploi du temps en grandissant, mais mes « capacités de représentation » pourront évoluer. Tant que je ne sais pas lire, j’ai besoin d’un emploi du temps visuel avec des photos ou des pictogrammes. Quand je grandirai, une combinaison de mots et d’images pourra me convenir, et plus tard des mots pourront suffire.

Intéressez-vous à ce que je sais faire plutôt qu’à ce que je ne sais pas faire

Comme n’importe qui, je ne peux pas apprendre dans un contexte qui me donne en permanence à penser que je ne suis pas bon et qu’il faut « me mettre à niveau ». Me lancer dans quelque chose de nouveau si je suis quasiment sûr d’essuyer des critiques, fussent-elles « constructives », m’incite à refuser l’obstacle. Cherchez mes points forts et vous les trouverez. Il n’y a généralement pas qu’une « bonne » manière de faire les choses.

Aidez-moi dans mes interactions

Je peux ne pas avoir l’air de vouloir jouer avec mes compagnons dans la cour de récréation, mais il se peut aussi que je ne sache pas comment engager la conversation ou participer à un jeu. Si vous incitez les autres enfants à m’inviter à leur jeu de ballon, j’en serai peut-être ravi.

C’est dans les situations de jeu structurées avec un début et une fin faciles à identifier que je me débrouille le mieux. Comme j’ai du mal à « décoder » les expressions faciales, l’attitude et les émotions des autres, j’apprécie que l’on m’indique au fur et à mesure comment me comporter. Par exemple, si je ris quand Emilie tombe du toboggan, cela ne veut pas nécessairement dire que je trouve cela drôle. C’est juste que je ne sais pas ce qu’il faut faire. Apprenez-moi à demander « Ça va ? »

Essayez d’ identifier ce qui me fait basculer

Mes colères, crises, peu importe comment vous les appelez, sont encore pires pour moi que pour vous. Elles se produisent parce que l’un ou plusieurs de mes sens sont surchargés. Si vous parvenez à comprendre ce qui les déclenche, vous m’aiderez à les éviter. Notez les heures, les contextes, les gens, les activités. Un schéma risque d’émerger.

Essayez de vous souvenir que tout comportement est une forme de communication. Il vous indique, lorsque les mots me manquent, comment je perçois mon environnement à un instant donné.

Parents, ayez aussi ce qui suit à l’esprit : des comportements persistants peuvent avoir une cause médicale sous-jacente. Des intolérances ou allergies alimentaires, des troubles du sommeil ou des problèmes gastro-intestinaux peuvent avoir une profonde incidence sur mon comportement.

Si vous êtes l’un des membres de ma famille, aimez-moi sans retenue

Bannissez des pensées telles que « Si seulement il… » ou « Pourquoi ne peut-elle donc pas... » Vous non plus n’avez pas répondu à toutes les attentes de vos parents et vous n’apprécieriez pas qu’on vous le rappelle à tout moment. Je n’ai pas choisi de vivre avec l’autisme. Souvenez-vous que c’est moi et non vous qui en souffrez. Sans votre soutien, mes chances d’atteindre avec confiance et dans de bonne conditions l’âge adulte sont minces. Avec votre soutien et vos indications, mes possibilités sont plus larges que ce que vous pourriez peut-être l’imaginer. Je vous le promets, j’en vaux la peine.

Et en guise de conclusion, trois mots : patience, patience, patience. Faites l’effort de considérer mon autisme comme un ensemble d’aptitudes différentes et non un déficit. Oubliez mes limites et pensez à tous les talents que l’autisme m’a donnés. C’est vrai, j’ai du mal à regarder les gens dans les yeux ou à faire la conversation, mais avez-vous aussi remarqué que je ne mens pas, ne triche pas, n’agresse pas mes compagnons de classe, ne juge pas autrui ? Je ne serai probablement pas le prochain Fabien Barthez, mais qui sait, avec mon sens du détail et de la précision, je serai peut-être le prochain Einstein. Ou Mozart. Ou Van Gogh. Eux aussi étaient autistes.

Les clés de la maladie d’Alzheimer, les énigmes de la vie extraterrestre...qui saurait dire quelles seront les contributions des enfants atteints aujourd’hui d’autisme, d’enfants comme moi ? Tout ce que je peux être je ne le serai qu’avec votre soutien. Penchez-vous sur toutes ces « règles » qui régissent la vie en société, et si elles sont dénuées de sens pour moi, laissez tomber. Soyez mon défenseur, soyez mon ami, et nous verrons jusqu’où j’irai.


©2005, 2010 Ellen Notbohm

livre Ten Things Every Child with Autism Wishes You KnewEllen NotbohmEllen Notbohm est l’auteur du livre Ten Things Every Child with Autism Wishes You Knew, qui a remporté le prix iParenting Media’s Greatest Products ainsi qu’un prix ForeWord Book of the Year.

Elle a participé à la rédaction du livre 1001 Great Ideas for Teaching and Raising Children with Autism or Asperger’s, un lauréat en argent dans les Editeurs de Livre Indépendants Attribue.

Tous commentaires et demandes de reproduction peuvent être transmis à l’adresse suivante : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser..

Pour plus d’informations, voir le site www.ellennotbohm.com.

Les aspects cognitifs de l’autisme

Le langage

Lorsqu’on observe un enfant présentant un trouble du spectre de l'autisme, il apparaît très clairement des particularités langagières.

En effet, leur communication se limite souvent à la finalité d’obtenir un objet ou un comportement. Elle n'est que très rarement utilisée dans le but d’échanger avec le partenaire. De plus, les compétences langagières varient grandement d’un enfant à un autre. Tandis que certains ne développeront pas le langage, d’autres auront un langage fonctionnel bien que, comportant fréquemment des particularités dans la manière d'interagir avec autrui. Ainsi, l’intonation monotone, les sujets d’intérêts restreints ou encore le non-respect des codes sociaux, tels que la distance interpersonnelle ou le contact visuel, rendront les échanges inadéquats d'un point de vue social. Les difficultés que rencontrent les personnes atteintes d’autisme pour communiquer et pouvoir ainsi exprimer leurs besoins ou désirs entraînent couramment des difficultés comportementales (agressions sur soi ou sur autrui) et psychologiques.

La compréhension du langage présente également des particularités. Les subtilités du langage, telles que l’humour, les métaphores, les sous-entendus ou encore l’ironie, sont difficilement perçues. La compréhension étant plus pauvre qu’à l’habitude, les indices gestuels fournis par l’interlocuteur peuvent devenir une aide parfois indispensable pour donner du sens au discours.

Un profil développemental hétérogène

Le profil développemental des enfants présentant un trouble du spectre autistique est souvent hétérogène. Des lacunes importantes peuvent exister dans certains domaines alors que dans d’autres un niveau d’expertise important est parfois observable. La mémoire, et particulièrement la mémoire visuelle, est fréquemment un domaine de compétences préservé, voire supérieur à la norme. Ainsi, certains enfants auront des facilités impressionnantes à mémoriser des listes de nombres, à reproduire des dessins ou encore à réaliser un puzzle de 2000 pièces. En revanche, pour d’autres domaines les compétences peuvent être bien moindres : les compétences sociales, le jeu symbolique ou encore la motricité sont fréquemment cités comme étant des points faibles du profil développemental.

Le traitement de l’information

Déficit dans la saisie de l’information

Dans l’autisme, la saisie de l’information sensorielle (visuelle, auditive, olfactive, tactile) peut être inhabituelle. La personne encode alors l’information sous forme brute, dans la modalité sensorielle d’entrée et présente des difficultés pour faire des liens avec les autres modalités sensorielles. Par exemple, un enfant qui a l’habitude de manger un certain biscuit refusera de la manger le jour où celui-ci sera coupé en deux, la perception visuelle de ce biscuit ne correspondant plus à la perception habituelle et donc à la représentation de ce biscuit. De plus, la modalité sensorielle en elle-même présente des distorsions. L’hypersensibilité et l’hyposensibilité sont en effet extrêmement fréquentes. Elle peut s’observer dans chacune des modalités sensorielles. Dans notre exemple, l’enfant pourra refuser son biscuit préféré, et même présenter des signes de dégoût, si celui-ci a une texture ne serait-ce que légèrement différent qu’à l’habitude (ex : plus dur ou plus mou). 

Déficit dans l’intégration de l’information

Plusieurs auteurs mettent en avant un déficit d’intégration de l’information sensorielle (Happé & Frith, 2006). Selon le trouble de la cohérence centrale, la tendance à focaliser l’attention sur les détails entraînerait des difficultés d’abstraction et entraverait ainsi la mise en place d’une perception globale permettant de fournir du sens. L’enfant donne une importance première aux détails ce qui rend son environnement hautement instable. En effet, nous reconnaissons notre chambre par une perception globale comprenant l’aspect général de la pièce, le type de mobilier et sa disposition alors qu’une personne présentant un TSA aura peut-être mémorisé des caractéristiques telles que la couleur de la couverture ou encore la luminosité de la pièce. Ainsi, le simple changement d’un de ces détails lui donnera la sensation de ne pas être dans sa propre chambre. Nous imaginons alors l’anxiété et les troubles du comportement que peut engendrer cet environnement perçu comme étant en perpétuel changement.  Cette théorie de trouble de la cohérence centrale peut également être mise en lien avec les compétences extraordinaires que peuvent développer certaines personnes atteintes d’autisme. Certains développent en effet un niveau d’expertise hors-norme dans des domaines tels que le dessin ou encore la mémorisation de séquence (chiffres, jours du calendrier, etc.). Une focalisation accrue sur les détails pourrait expliquer en partie ces performances.

Selon Baron-Cohen (2004), les personnes présentant un TSA chercheraient continuellement à extraire des régularités et des règles aux différentes situations qu’elles rencontrent. L’auteur parle de la Théorie de l'empathisation-systémisation (empathising-systemising theory). Ce fonctionnement singulier entraînerait alors une focalisation accrue sur les détails. Ces derniers ne présentant que rarement un caractère immuable, la personne rencontrerait alors des difficultés dans un environnement perçu comme instable. Selon cette théorie, la personne autiste n’a donc pas un système d’intégration de l’information « défaillant », mais plutôt un système supérieur ou surutilisé (le « systemising »). Nous ne pourrions alors pas parler de déficit d’intégration de l’information mais plutôt d’un biais d’intégration de l’information en lien avec une supériorité du traitement local de l’information.

Mottron (2004) va dans le même sens lorsqu'il parle d'une autre intelligence pour les personnes du spectre de l'autisme. Ainsi, si de nombreuses recherches montrent les difficultés des personnes avec autisme à réussir des tâches qui demandent ce traitement global, il est possible de pallier à cette difficulté en centrant la personne sur ces caractéristiques globales. Il ne s'agirait pas d'une déficience, mais d'une préférence.

Finalement, Vermeulen (2010) décrit cette particularité comme un défaut de prise en compte du contexte (il parle de cécité contextuelle).

Théorie de l'esprit (comprendre les pensées des autres)

Une autre particularité de la compréhension du monde des personnes avec autisme concerne la "théorie de l’esprit". « Avoir une théorie de l’esprit c’est être capable d’attribuer des états mentaux indépendants aux autres et à soi-même pour expliquer et prédire le comportement » (Rogé, 2008). Il s’avère que cette compétence semble déficitaire chez les personnes présentant un TSA. La célèbre expérience de « Sally et Anne » (Baron-Cohen et al., 1985) a mis en évidence le fait que bon nombre d’enfants autistes présentent des difficultés à comprendre les fausses croyances. Dans cette étude, ils ne parviennent pas à prédire qu’un enfant cherchera un objet là où il l’a laissé s’il ne sait pas qu’entre temps une autre personne l’a déplacé. Pour simplifier, les personnes avec autisme ont tendance à croire que ce qu'ils savent tout le monde le sait et que ce qu'ils ignorent tout le monde l'ignore (voir Thommen 2001 et 2007). La difficulté à comprendre les croyances et les états mentaux est un obstacle important pour les relations sociales. En effet, comprendre l'ironie, le deuxième degrés, le mensonge suppose une analyse subtile des états mentaux d'autrui, ce qui leur manque bien souvent.

Fonctions exécutives

Le déficit des fonctions exécutives a permis d’apporter quelques explications aux difficultés rencontrées par les personnes avec un TSA pour s'organiser dans la vie quotidienne. Les fonctions exécutives sont l'ensemble des fonctions intellectuelles impliquées dans la gestion et le contrôle des activités cognitives. Elles regroupent les capacités nécessaires à une personne pour s’adapter à des situations nouvelles, c’est-à-dire non routinières (voir pour le détail Degiorgio, Fery et Watelet, 2010 et Gaux et Boujon, 2007).

 Selon les modèles, on considère différentes listes de fonctions exécutives, nous en retenons 5 : la flexibilité (permettant de se désengager d’une tâche ou d’une action pour passer à une autre), la planification (qui permet d'organiser ses activité en buts et sous-buts), la mise à jour en mémoire de travail (qui permet de savoir où on en est dans l'activité), l'attention (qui permet de maintenir ses efforts pour rester centrer sur ce que l'on est en train de faire) et l’inhibition (permettant d’inhiber une réponse automatique qui ne serait pas ou plus adaptée). Un dysfonctionnement de ces fonctions serait en lien avec une perturbation au niveau du lobe frontal du système nerveux central. Les personnes avec un TSA ont très souvent des problèmes avec les fonctions exécutives, même pour des personnes avec une intelligence supérieure. De nombreuses études (notamment celle de Hill, 2004) ont montré que les personnes avec un TSA rencontraient des difficultés particulières dans le cas de la flexibilité et de la planification. Cela entraîne de nombreuses difficultés dans la vie quotidienne et explique leur difficulté à gérer les changements et à planifier leurs activités. On parle alors souvent de rigidité.

Il est important de préciser que ces particularités cognitives apportent des pistes pour comprendre la façon dont fonctionnent les personnes avec un TSA, mais aucune ne permet d’expliquer à elle seule toutes les particularités du fonctionnement cognitif des personnes atteintes de TSA.

Pour en savoir plus :

Baron-Cohen, S. (2004). The cognitive neuroscience of autism. Journal of Neurology, Neurosurgery and Psychiatry, 75, 945-948.

Baron-Cohen, S., Leslie, A. M., & Frith, U. (1985). Does the autistic child have a “theory of mind” ? Cognition, 21(1), 37–46.

Degiorgio, C., Fery, P., &Watelet, A. (2010). Comprendre les fonctions exécutives. (Page Web). Accès : http://www.crfna.be/Portals/0/fonctions%20exécutives.pdf (page consultée le 12 septembre 2011)

Gaux, C., & Boujon, C. (2007). Développement du contrôle exécutif. In A. Blaye & P. Lemaire (Eds.) Le développement cognitif de l'enfant (pp. 253-281). Bruxelles : De Boeck.

Happé, F., & Frith, U. (2006). The Weak Coherence Account : Detail-focused Cognitive Style in Autism Spectrum Disorders, Journal of Autism and Developmental Disorders, 36, 5-25.

Hill, E.L. (2004) Evaluating the theory of executive dysfunction in autism. Developmental Review, 24, 189–233.

Mottron, L. (2004). Autisme une autre intelligence. Bruxelles : Mardaga.

Rogé, B. Autisme, comprendre et agir. Santé, éducation, insertion. Dunod, Paris, 2008.

Thommen, E. (2001). L'enfant autiste: difficultés du développement de la compréhension d'autrui. In L'enfant face à autrui (pp.151-175). Paris : Armand Colin.

Thommen, E. (2007). Le développement des théories de l'esprit. In A. Blaye & P. Lemaire (Eds.) Le développement cognitif de l'enfant (pp. 65-94). Bruxelles : De Boeck.

Vermeulen, P. (2005). Comment pense une personne autiste? Paris: Dunod.

Vermeulen, P. (2010). Je suis spécial. Bruxelles : De Boeck.

 

Laetitia Baggioni et Evelyne Thommen

 

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Mis en ligne le mardi 30 août 2022

Connaître l'autisme (du Dr. Milcent)

Par le Dr.Milcent – Lille, France, le 20/10/98.

L'absence de diapason social

Sans en connaître tous les mécanismes, nous cernons aujourd'hui ce qu'est l'autisme : l'absence de diapason social.

Le "tout-petit" intact possède l'équipement nécessaire pour s'accorder comme un violon, sur le rythme maternel ou humain. Il "vibre"à l'unisson avec son partenaire, dès les premières heures de la vie terrestre et in utero il "dialoguait" déjà avec sa mère au moyen du placenta.

Grâce à cette "mise en phase", cet "accordage", se façonnent l'attachement, l' "empreinte", c'est-à-dire la possibilité pour le petit humain de se laisser guider et de négocier avec son environnement suivant un protocole, un "plan", une "partition"transmise par le partenaire adulte.

Ce programme n'est déjà plus simplement génétique; il transmet la culture et la tradition de "l'espèce"et l'histoire singulière de la filiation , et organise puissamment les conduites dans les premiers mois de la vie puis plus lentement jusqu'à l'âge adulte, plus discrètement ensuite, mais sans répit tout au long de la vie.

Certains aspects ont des limites prédéterminées : par exemple, on ne connaît pas d'adulte pesant un kg, mesurant quarante cm. et vivant cent cinquante ans ; mais le contexte surviendra à tout moment pour fixer la taille et le poids définitifs, ainsi que le jour et les conditions de la mort.

En se guidant sur un plan, le bébé humain ajuste ses perceptions et filtre son environnement (trie ce qui est important et ce qui l'est moins pour l'espèce et pour lui, individu singulier) selon les données humaines et culturelles, sans être submergé.

Instruments et orchestre, chef et compositeur se mettent au diapason, évitent la cacophonie et créeent une oeuvre : une vie. Lors de chaque représentation, suivant l'interprétation du chef d'orchestre et l'exécution de la partition par les musiciens, la musique est unique.

L'enfant autiste naît lui aussi avec un potentiel émotionnel (une intensité de vibration) et une capacité d'apprendre (un potentiel cognitif) importants lorsque d'autres déficits ne lui sont pas associés plus ou moins massivement (malheureusement le poly-handicap est la règle plus que l'exception). Malgré cela, l'essentiel fait défaut : l'enfant autiste ne vibre pas au diapason, les instruments ne sont pas accordés et l'orchestre improvise sans partition.

De ce rendez-vous manqué à un âge où l'enfant se construit, va découler l'anarchie, la cacophonie émotionnelle et cognitive (intellectuelle).

Le jeune autiste va grandir "hors tradition", "hors culture", suivant les rythmes qu'il perçoit. Pourtant, Dieu sait s'il vibre ! Mais ce seront les rythmes "naturels", qui le mettront en phase et non l'humain !

Rythmes tactiles, touchers et pressions, balancements et bercements l'attirent avant que ne dominent les rythmes visuels, ou sonores, sur les deux canaux sensoriels qui s'imposent au cours de la première année.

Sans plan, ni architecte, l'enfant autiste ressemble au maçon ou au bricoleur inexpérimenté qui décide de construire sa maison.
Comment parler de "forteresse vide", là où n'existe qu'un échafaudage précaire, élaboré au gré du hasard, s'écroulant dès le moindre coup de vent, au moindre changement, tel un château de cartes ?

Ce n'est pas l'absence du partenaire humain, la mère déprimée ou insconsciemment absente ou "rejetante" qui fait défaut : il manque à l'enfant la capacité de vibrer au diapason, de prendre place dans un projet, de s'inscrire sur une trame. Emotions et cognitions (la capacité à traiter l'information) ne sont pas jouées sur la même partition : l'orchestre improvise, plutôt mal que bien.

La trame sociale : ces "tuteurs verticaux", est inutilisable. La navette et son double fil, cognitif et émotionnel, ne sait quel chemin la guide ni quelle trace emprunter, pour que se monte un tissu : une nouvelle histoire humaine singulière. Les fils s'entrecroisent : tissu d'aberrations et de trous !

Le compositeur ne reconnaît plus sa musique dans le concert étrange qui va suivre !

L'héritage du passé : idées fausses et croyances

Karl Popper souligne que la connaissance scientifique ne progresse qu'à travers l'élimination des erreurs : "N'est scientifique que ce qui est réfutable. Chaque fois que nous tentons de donner une solution à un problème, nous devrions aussi rigoureusement que possible, essayer de la dépasser, plutôt que de la défendre".

Pendant cinquante ans, se sont accumulées quelques connaissances sur l'autisme, et beaucoup d'idées fausses. Nous essaierons de comprendre pourquoi elles sont si tenaces et résistent aux nombreux travaux qui les démentent. Voici les plus répandues, bien que largement réfutées. Nous tenterons d'analyser pourquoi un climat passionnel maintenu par des querelles de chapelles et des croyances continue encore aujourd'hui dans notre pays.
Les premières publications portaient sur des cas exceptionnels choisis parmi la clientèle du célèbre praticien. Les biais méthodologiques faussaient l'interprétation à la base : caractère exceptionnel des cas décrits, pas de recherche systématique sur des échantillons plus vastes. Kanner, par exemple, décrit onze cas en tout et pour tout : cinq enfants de psychiatre ou de psychologue, les six autres ayant des parents universitaires. Faut-il en déduire que la profession de psychiatre ou celle d'universitaire est une profession à risques en ce qui concerne l'autisme ? L'échantillon est-il représentatif ? Tout chercheur un peu sérieux aujourd'hui se poserait la question. Ce n'était pas le cas à l'époque.

Nous verrons plus loin que l'autisme touche en fait de la même manière toutes les classes sociales, tous les milieux et toutes les races avec la même intensité. En 1979, en Caroline du Nord, Eric Schopler étudie un échantillon de 264 autistes ; plus de la moitié (61 %) proviennent d'un milieu économique aux revenus modestes. En Angleterre, les premiers recensements, qui portent sur 78 000 enfants âgés de huit à dix ans, trouveront quinze enfants autistes "purs" également répartis parmi toutes les catégories socio-culturelles et économiques, invalidant les premières conclusions de Kanner sur l'origine intellectuelle et bourgeoise des mères d'enfants autistes. Il n'empêche qu'encore aujourd'hui ne peuvent protester que ceux qui sont suffisamment informés et ont les moyens de changer de praticien, les autres étant trop souvent obligés d'accepter ce qu'on leur offre sans discuter.

L'enfant autiste est-il génial ?

L'autiste, surtout lorsqu'il est hypertonique, se présente souvent comme un bébé vif, indépendant et volontaire durant sa première année. Ses déficits intellectuels et sociaux ne vont se révéler qu'avec le temps, car ils portent surtout sur sa difficulté à établir des relations sociales réciproques et sur des opérations mentales abstraites et verbales. Le petit enfant n'est pas encore à ce stade et le fossé ne va se creuser qu'au fil des années. Les enfants autistes les moins atteints ou les plus intelligents peuvent donner l'illusion pendant les premières années d'être surdoués, tant ils développent et accumulent de connaissances qui leur permettent d'organiser leurs intérêts et leurs obsessions. Mais leur intelligence est rigide dès qu'on les sort de leurs "passions". Leurs talents exceptionnels s'exercent là où il n'est pas nécessaire de spéculer à partir du point de vue de l'autre, et de lui attribuer des "états mentaux"différents. La littérature de l'autisme regorge de "calculateurs prodiges"(cf. le film "Rain Man") de dessinateurs ou d'enfants dotés de capacités musicales extraordinaires. Pourtant comme le note Eric Schopler, ils sont plus nombreux dans les exposés des scientifiques que dans la réalité …
Qu'en est-il exactement ? En réalité, même les plus doués souffrent d'une forme d'intelligence qui ne leur permet pas de saisir les subtilités du social ni du langage verbal au cours d'une conversation, étant donné le manque de réciprocité et les particularités de la pensée autistique. Les règles du jeu social leur sont presque impénétrables et il leur faut assumer des efforts considérables là où les autres enfants se laissent aller à ce qui devient vite pour eux un automatisme : régler leur distance, leurs postures, leurs mimiques, le timbre de leur voix, savoir comment s'approcher d'un groupe ou mener une conversation en tenant compte des intérêts de l'autre.

D'autre part, les deux tiers des autistes présentent un retard mental, explicable d'une part par le fait que certains éléments de la charpente intellectuelle (dont la compréhension du langage et la "lecture" de l'environnement) sont très limités. Toutefois, on peut penser que certaines pathologies à l'origine de l'autisme sont responsables de retard mental associé.

L'autisme est-il une psychose ?


L'autisme fut longtemps considéré à tort comme une forme de shizophrénie infantile sans qu'aujourd'hui cette hypothèse soit retenue. En effet, même les formes les plus précoces de cette dernière commencent rarement avant la puberté et dans ces cas, le développement social et celui du langage ne sont pas qualitativement perturbés dans la première enfance. Enfin le mot psychose ne convient pas car l'enfant ne déforme pas le réel après se l'être représenté, il ne le construit pas. Certaines bizarreries liées à des conduites de réassurance donnent parfois l'impression du délire mais en fait il n'en est rien et l'action des neuroleptiques est extrêmement limitée et peu recommandable dans l'autisme sauf lorsqu'existe un manque complet d'alternatives comportementales, ce qui est extrêmement rare ou devrait l'être.

La théorie de la "dépression maternelle" : le péché d'Eve

C'est une des plus tenaces, ce qui laisse à penser que ses défenseurs en tirent de nombreux bénéfices secondaires. Elles possèdent entre autres le mérite de tranquilliser bien des esprits masculins chagrins, issus de culture judéo-chrétienne où culpabilité, péché et maladie sont associés.

Elle suggère, avec des variantes suivant les courants intellectuels à la mode, que le fonctionnement pathologique des parents, mais surtout celui de la mère (voire de la grand-mère, tant qu'à faire !), est à l'origine des troubles autistiques. Dans les années cinquante, on suppose naïvement qu'un stress précoce "bloque"le développement de l'enfant. Mais les études systématiques réalisées en particulier par M. Rutter montrent qu'il n'en est rien. Comme les croyances ont la peau dure, il fut ensuite supposé que l'autisme provenait d'un "rejet"inconscient, encore plus difficile (ou facile) à trouver vu le caractère "peu sondable"de celui-ci. Ensuite fut supposé que la relation "mère/enfant" était de qualité insuffisante pour "permettre l'accès au symbolique". De vous à moi, si cette théorie était juste, peu d'entre nous y auraient accès. Enfin toujours "Reine"trône la théorie de la "fameuse maternelle". Trois hypothèses sont possibles :

  1. Au moment de la consultation, la mère est effectivement déprimée, ce qui confirme la théorie.
  2. Autre cas, la mère n'est pas déprimée. Il est alors suggéré qu'elle a dû l'être antérieurement sans que l'épisode ne laisse de traces, hormis l'enfant : la théorie est sauvée.
  3. Enfin, dernier cas, la mère n'est pas et soutient qu'elle ne s'est jamais sentie dépressive dans les premiers mois de la vie avec son bébé.

Il s'agit alors du pire cas puisqu'il y a "déni de la dépression" ou "forclusion", c'est-à-dire que la mère a nié sa dépression grâce "à des défenses maniaques", ou ne l'a même pas ressentie du fait de "défenses psychotiques". Le tour est joué, la boucle est bouclée, tous les cas de figures étant couverts, la théorie peut continuer à dormir sur ses lauriers. Tout reste en place, pour la plus grande tranquillité du professionnel. En d'autres termes, c'est l'exemple d'une croyance, et non d'une théorie scientifique.

On voit assez fréquemment dans le métier de "soignants"en psychiatrie des gens qui préfèrent "tordre"la réalité pour qu'elle rentre dans le moule de la théorie plutôt que d'y renoncer.

Pourquoi n'est-il pas possible de sortir de cette impasse ? C'est en partie parce que les théories en psychiatrie sont plus que des modèles conceptuels : ce sont les antidépresseurs des professionnels devant le peu de résultats obtenus dans la pratique. Elles ne coûtent pas cher intellectuellement et elles rapportent gros puisque l'accusé c'est l'autre. Revenons une minute à Karl Popper pour le citer : "Le travail du scientifique consiste à avancer une nouvelle idée et à la soumettre à des tests. Elle doit être d'une forme qui rende possible tant de la vérifier que de la réfuter. Une expérience subjective ou un sentiment de conviction ne peuvent jamais justifier un exposé scientifique … La psychanalyse, elle, est irréfutable car son pouvoir d'interprétation est infini : elle peut tout assimiler".

Parents, blindez-vous !

L'article publié sous ce titre par Eric S. Schopler il y a vingt ans n'a pas pris une ride. C'est que le mécanisme qu'il étudie repose probablement sur une constante de l'esprit humain : nous avons besoin de boucs émissaires. Les parents d'autistes sont des candidats parfaits.

Côté "persécuteurs"(Schopler reprend ici l'analyse d'Allport) doit se trouver un mélange de sentiment d'échec, de culpabilité et d'anxiété, mêlées de conformisme et de besoin de réassurance, qui trouve la solution peu coûteuse de sortir de l'impasse. Dans le cas de l'autisme, le professionnel, désigné et payé pour guérir, ne le sait, ni le peut. Il expérimente alors un inévitable sentiment de frustration. Face à l'enfant autiste, il est sans cesse renvoyé à son échec et son impuissance sans qu'il puisse la défouler directement sur celui-ci. D'autre part, il assume au sein de son équipe une situation de pouvoir et un manque de réponse fait vaciller son autorité.
Enfin, le courant dominant d'influence psychanalytique l'oblige à se démarquer et le met en position de devoir se justifier s'il pense ou sent différemment.

Côté "victime" : elle doit être facile à désigner, minoritaire, en termes de prestige ou de nombre. Elle doit être accessible et affaiblie. La grande majorité des parents d'enfants autistes remplissent à merveille ces conditions : ils sont demandeurs d'aide et prêts à tout pour faire cesser leur cauchemar; ils sont blessés dans leur affection par l'indifférence de leur enfant et sont peu aidés sur le plan social; ils sont minoritaires et seules se révoltent les classes sociales qui peuvent se le permettre. Est-ce pure coïncidence, si le fondateur de la National Society for Autistic Children en 1964, le Dr. Rimland, est père d'un enfant autiste et médecin réputé ? Si le Dr. Lorna Wing, en Angleterre, psychiatre et mère d'une fille autiste fondera la British National Society ?

L'alternative est simple : se soumettre, ce qui dans l'autisme implique d'accepter de longues thérapies d'efficacité douteuse, où toute expression d'ambivalence à l'égard de l'enfant atteint abonde dans le sens voulu; se révolter et acquérir plus de savoir et de prestige que le "persécuteur", ce qu'il considérera comme une défense, preuve d'un fontionnement pathologique à l'origine des troubles de l'enfant. Et tournez manèges !

Renouer le dialogue avec les "spécialistes"

Bien sûr l'hypothèse initiale présume que l'environnement et surtout le premier partenaire (la mère) était à l'origine des graves troubles de l'enfant, véritable "aveugle social", était une conception légitime. Mais toutes les recherches systématiques et empiriques auxquelles elle fût soumise s'avérèrent négatives. Depuis les années 70, les travaux concluent tous dans le même sens : les parents d'enfants autistes ne diffèrent pas des autres groupes de parents quant à leurs aptitudes éducatives. La notion de rejet parental n'est pas non plus objectivée.

En revanche, les études effectuées sur les enfants ayant subi des séparations précoces, des hospitalisations, des séjours en institution et autres stress, montrent qu'ils développent plus de troubles psychiatriques, mais qui n'ont rien à voir avec l'autisme. Par contre, il est vrai que le profond stress émotionnel représenté par le fait d'avoir un enfant autiste peut précipiter des décompensations chez les parents fragiles.

Malgré l'accumulation des résultats, remettre en cause les croyances qui ont été celles des professionnels pendant un demi-siècle n'est pas facile. Il faut attendre la relève. Pendant ce temps, les parents se préoccupent, non pas des théories mais des bénéfices que leurs enfants en retirent. Ils s'organisent, ils s'informent. Depuis la multiplication des voyages et l'apparition de l'informatique (banque de données, télécopies, etc…), il suffit de quelques heures pour qu'une association se procure le travail d'un scientifique qui l'intéresse. La plupart sont abonnées à de nombreuses revues pluridisciplinaires, épluchent les "abstracts" et font circuler de plus en plus vite les informations nouvelles à leurs adhérents.

Il en résulte un déséquilibre : les associations, spécialisées et aux aguets, deviennent plus compétentes et mieux informées que les professionnels. Les parents qui consultant se représentent souvant mal l'étendue du champ professionnel et s'étonnent de ne pas trouver des hyper-spécialistes même lorsque les troubles représentent un pourcent de la consultation du praticien. Une relation de méfiance s'instaure, néfaste pour tous. Il faudra pourtant que les professionnels apprennent à dialoguer avec les associations plutôt que rivaliser, en maintenant leurs illusions de pouvoir. Les parents doivent également comprendre que l'évolution rapide des techniques rend impossible l'actualisation dans tous les domaines. Ceci implique de définir une autre place pour le professionnel et une autre manière de travailler. Il y a donc des deux côtés toute une révolution des mentalités à opérer si l'on veut cesser les hostilités, qui nuisent à tous et en premier chef aux principaux intéressés : les autistes eux-mêmes.

Avec l'aimable autorisation du Dr Milcent.

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Sans un diagnostic approprié, l'enfant autiste peut ne pas avoir le maximum de chances et d'occasions de se développer. Les parents de l'enfant autiste n'auront ni les connaissances ni le soutien voulus pour composer avec le comportement inhabituel de leur enfant.

 

Les évaluations permettent de cerner au mieux les aptitudes de l'enfant et donc de proposer un suivi éducatif optimal. Les enfants autistes ne montrent parfois pas volontiers ce qu'elles·ils savent, d'où des résultats erronés et une mauvaise estimation de leurs compétences effectives.

Un diagnostic précoce est important. Il permet de mettre en place au plus vite un traitement pour l'enfant, qui sera d'autant plus efficace qu'il est commencé tôt.

Si le comportement de votre enfant vous semble anormal, si votre entourage vous fait remarquer qu'il·elle est différent·e des autres enfants, n'hésitez pas à en parler avec votre pédiatre. Des outils existent pour dépister le plus précocement possible l'autisme (voir les tests de dépistage).

Il est important que le médecin se base sur les classifications internationales pour établir le diagnostic. Il s'agit du DSM-5 (Cinquième révision du manuel diagnostique et statistique des désordres mentaux), ou de la CIM10 (OMS).

Sans un diagnostic approprié, l'enfant autiste peut ne pas avoir le maximum de chances et d'occasions de se développer. Les parents de l'enfant autiste n'auront ni les connaissances ni le soutien voulus pour composer avec le comportement inhabituel de leur enfant.

Le terme "psychose infantile" correspond à la CFTMEA (Classification Française des Troubles Mentaux de l'Enfant et de l'Adolescent). Dans ce systême de classification, la symptomatologie de l'autisme est interprétée sur la base de concepts largement inspirés de la psychanalyse. Aujourd'hui, ce terme de "psychose infantile" ne devrait plus être utilisé ! Néanmoins, dans certains articles, on continue systématiquement à voir le terme "psychose" suivre ou précéder celui d'autisme. Il est très regrettable de persister à ne pas vouloir les différencier, alors que les critères retenus pour l'autisme ont reçu une validation clinique par des équipes réparties non seulement aux Etats-Unis, mais dans le monde entier dans le but d'arriver à parler un langage commun qui puisse permettre à tous les courants, et par-delà aussi à tous les pays, de communiquer entre eux.

Lire à ce sujet l'article du Dr Geneviève Macé.

Vous pouvez également consulter "L'importance d'un diagnostic précoce de l'autisme". Ce texte explique clairement l'importance du diagnostic précoce en vue d'une intervention, les différences entre les différents TED (troubles envahissants du développement) ainsi que les signes qui doivent allarmer selon l'âge de l'enfant.

Les évaluations permettent de cerner au mieux les aptitudes de l'enfant et donc de proposer un suivi éducatif optimal. Les enfants autistes ne montrent parfois pas volontiers ce qu'elles·ils savent, d'où des résultats erronés et une mauvaise estimation de leurs compétences effectives.

Les tests suivants sont particulièrement adaptés à l'évaluation des aptitudes des personnes avec autisme.

Prise en charge psychanalytique et packing

Thérapies non recommandées.

Le traitement psycho-dynamique (d’orientation psychanalytique) se réfère à une interprétation obsolète de l’autisme rendant les parents responsables de l’autisme de leur enfant. Cette thérapie n’a aucun fondement scientifique et l’efficacité des traitements psychanalytiques est fortement discutable. Ainsi cette thérapie n’est pas recommandée. Lire à ce sujet, l'article de Gunilla Gerland, autiste de haut niveau, auteur d'un livre autobiographique, "Une personne à part entière".

Le packing est une pratique obsolète et que nous jugeons maltraitante. Les preuves de son efficacité n’ont jamais été amenées. Lire ci-dessous la prise de position de B. Rogé à propos de packing.