Résumé des conclusions de l'enquête du Prof. Dr. H.-C. Steinhausen

Vivre avec l'autisme en Suisse

Prof. Dr. H.-C. Steinhausen

Résultats de l'enquête menée en 2001
avec le soutien d'AUTISME SUISSE

Conclusions

Les résultats de l'enquête effectuée en 2001 en Suisse auprès des parents et des proches de personnes atteintes d'autisme se basent sur les données de quelques deux cents questionnaires. Grâce à un questionnaire annexe, il a été vérifié avec une très haute probabilité que, pour chaque cas particulier, il s'agisse bien d'une personne atteinte d'autisme selon les critères diagnostiques actuels. L'échantillon choisi pour cette enquête présente une tranche d'âge considérable. La représentativité de cette échantillon pour toutes les personnes atteintes d'autisme en Suisse ne peut pas être totalement confirmée. Bien que des études manquent encore sur la fréquence de l'autisme dans la population suisse, le nombre de personnes de tous âges concernées par l'autisme en Suisse peut être évalué à plusieurs milliers en se basant sur les chiffres provenant de recherches internationales.
Comme on peut le constater également dans beaucoup d'autres pays, une grande partie des personnes concernées par l'autisme ne sont pas diagnostiquées comme telles en Suisse. Et comme les deux-tiers des personnes atteintes d'autisme présentent également un handicap mental, la plupart des personnes concernées par l'autisme sont situées dans la catégorie générale des personnes présentant un handicap mental.

A l'entrée du 21ème siècle, les résultats de cette vaste enquête se résument à quelques points importants qui correspondent aux thèmes principaux du questionnaire et ils permettent en même temps d'en tirer des conclusions.

L'identification et le diagnostic des personnes atteintes d'autisme en Suisse

L'enquête a montré de manière impressionnante que la plus grande lacune se situe au niveau du diagnostic précoce des enfants atteints d'autisme. Alors que les parents perçoivent rapidement des signes de développement différent chez leur enfant, la prise de contact avec des spécialistes se fait en général attendre. Un profond manque, au niveau régional, de spécialistes ainsi que de différentes personnes compétentes, notamment dans le domaine médical, entraîne le fait que la personne atteinte d'autisme n'est orientée que tardivement vers des spécialistes formés, ayant des connaissances spécifiques sur le spectre des troubles autistiques.

Les données recueillies montrent clairement qu'un trop grand nombre de professionnels, mais non suffisamment formés en autisme, sont contactés et que par conséquent, le diagnostic approprié se fait attendre. Le large spectre de descriptions diagnostiques non précises reflète la méconnaissance d'un grand nombre de professionnels des signes caractéristiques de l'autisme.

Le manque d'aides spécifiques offertes par de nombreux professionnels, qui ne sont pour la plupart pas spécialistes de l'autisme, associé à des réseaux d'aide régionaux insuffisants, entraîne dans le meilleur des cas une satisfaction mitigée de la part de la famille et des proches de la personne concernée.

La situation actuelle des mesures de formation offertes aux personnes atteintes d'autisme en Suisse

Les mesures d'aide et d'institutions de formation proposées depuis plusieurs décennies aux personnes atteintes d'autisme en Suisse sont les mêmes que celles offertes aux autres personnes ayant un handicap mental.

A l'âge préscolaire, on peut constater un déficit marquant des programmes d'éducation spécifiques, en comparaison avec l'offre proposée dans d'autres pays occidentaux. Malgré l'insuffisance dans l'offre de programmes adaptés aux besoins d'enfants atteints d'autisme, une satisfaction légèrement supérieure à la moyenne de la part des proches de l'enfant avec autisme est à relever, satisfaction provenant avant tout de familles bénéficiant de ces programmes éducatifs spécifiques .

A l'âge scolaire, les enfants atteints d'autisme sont orientés vers des classes ou des écoles spécialisées, sans que celles-ci ne puissent offrir un accompagnement adapté aux besoins de ces enfants. La plupart des enfants concernés doivent parcourir une distance considérable pour se rendre dans ces établissements. La satisfaction des membres des familles interrogées se situe dans la moyenne et est plutôt élevée, concernant les établissements spécialisés.

Dans cette tranche de vie, on relève une insatisfaction marquée par rapport aux lieux de conseil mis en place par l'état, spécialement au niveau des autorités scolaires et des services de psychologie scolaire. Il ressort de manière évidente que ces instances sont sous-informées concernant les besoins spécifiques des élèves atteints d'autisme. Des informations approfondies sur les particularités et les besoins des élèves avec autisme sont à apporter auprès des autorités scolaires. Notamment, il est indispensable que les responsables de l'orientation scolaire prennent en compte les remarques et les souhaits des familles dans la mise en place d'une orientation spécifique pour les élèves atteints d'autisme.

Concernant l'âge post-scolaire, nous ne pouvons que constater une insuffisance en matière de conseils et d'orientation professionnelle, ainsi que de projets d'intégration. La grande proportion d'adultes atteints d'autisme vivant encore dans leur famille représente pour celle-ci une charge considérable, tant sur le plan émotionnel et social que financier. Beaucoup de personnes concernées ont une longue distance à parcourir jusqu'à leur lieu de formation et de réhabilitation professionnelle, et ne font que rarement l'expérience de la continuité dans les différents placements en institution. Les proches interrogés se plaignent d'un manque d'institutions spécialisées pour les adultes atteints d'autisme et expriment dans ce domaine un grand besoin et de fortes attentes.

L'offre thérapeutique proposée aux personnes atteintes d'autisme en Suisse

Considérant le panorama des thérapies réellement pratiquées, l'enquête révèle qu'elles sont insuffisantes dans leurs spécificités et dans leur efficacité. De manière générale, la fréquence et l'intensité avec lesquelles ces thérapies sont pratiquées sont d'un niveau plutôt bas, concernant les traitements intensifs, et la participation des parents au traitement de leur enfant ou adolescent avec autisme reste en Suisse, en comparaison avec les expériences des autres pays, encore relativement restreinte.

Alors qu'une grande partie des coûts se rapportant aux moyens thérapeutiques peuvent être financée par l'Assurance Invalidité, les parents doivent dans beaucoup de cas assumer eux-mêmes de grandes dépenses.

Les thérapies intensives les plus modernes pour enfants atteints d'autisme, qui impliquent une fréquence élevée de traitement avec des progrès significatifs prouvés scientifiquement, sont accessibles de manière encore très limitée en Suisse. L'utilisation de ces différentes mesures thérapeutiques se traduit par une satisfaction plutôt supérieure à la moyenne dans l'enquête.

La situation juridique et financière des personnes atteintes d'autisme en Suisse

Alors que l'on peut s'attendre à ce que l'Assurance Invalidité prenne en charge une série de mesures de soutien, la plupart du temps, les parents doivent énormément lutter pour obtenir effectivement ce soutien. Principalement le combat pour la prise en charge financière d'une thérapie particulière, non encore reconnue officiellement par l'Assurance Invalidité est une charge considérable pour les familles concernées. Il serait à considérer, dans un délai à court ou à moyen terme, que l'association de parents AUTISME SUISSE, en collaboration avec des spécialistes, établisse avec l'Assurance Invalidité des règles concernant la reconnaissance et le financement de thérapies spécifiques à l'autisme.

La proportion plutôt élevée de personnes adultes, vivant à long terme dans leur famille d'origine, se reflète également dans le statut juridique de ces personnes. C'est-à-dire qu'un grand nombre d'adultes ne vivent non seulement dépendants de leur famille et de leurs proches sur le plan financier, mais également sur le plan juridique. Les différentes formes de soutien telles que la tutelle ou l'assistance ne représentent pas uniquement pour les familles des responsabilités spécifiques, mais aussi une surcharge intensive de travail et d'impact émotionnel, et ceci jusqu'à un âge avancé et sans aide la plupart du temps.

Tendances dans l'accompagnement de personnes atteintes d'autisme en Suisse

Au travers des différences d'âges considérables, de plusieurs décennies, relevées dans la population constituant l'échantillon de l'enquête, une question fondamentale ressort de différentes questions spécifiques, à savoir : durant les dix dernières années y a-t-il eu une amélioration de la situation de vie des personnes atteintes d'autisme en Suisse ? A cette question générale la majorité des domaines examinés répondent par la négative.

Ainsi, par exemple, l'on ne peut constater aucune amélioration significative concernant l'établissement du diagnostic ainsi que la prise en charge précoce d'enfants présentant des troubles autistiques en Suisse. De même le degré de satisfaction des proches interrogés se situe sur le même niveau que celui des professionnels, c'est-à-dire sur un niveau insuffisamment positif. L'accompagnement préscolaire, lui non plus, ne s'est pas amélioré durant ces dix dernières années, selon les parents interrogés. Par contre concernant l'offre de formation au niveau scolaire, une légère hausse de la satisfaction est constatée.

Le manque de satisfaction face aux différentes instances scolaires ou autres responsables de la prise en charge des élèves atteints d'autisme est constante depuis plusieurs décennies. Il n'y a pas non plus une véritable amélioration au sujet des thérapies à disposition. Durant les dix premières années de vie, qui sont fondamentales pour le développement de l'enfant atteint d'autisme, l'on doit constater une grande lacune concernant l'intensité des thérapies.

Nouvelle forme d'organisation pour l'accompagnement des personnes atteintes d'autisme en Suisse

Les personnes atteintes d'autisme ont besoin, selon leur degré de handicap, de différentes mesures d'accompagnement, de formation et de réhabilitation, afin de maximiser, comme pour toutes les autres personnes, leur potentiel de développement. Pour cela, leurs proches doivent faire appel à un grand nombre de spécialistes, qui sont tenus de mettre à disposition leurs expériences, leurs compétences et leurs spécialisations. La constitution d'un tel réseau d'aide spécialisée ne peut pas être organisée de manière uniforme et égalitaire, puisqu'il faut tenir compte de la structure fédérale et des spécificités cantonales de la Suisse. Les efforts devraient se concentrer sur la création de plusieurs centres spécialisés pour l'autisme.

La constitution de tels centres doit avant tout se développer dans les domaines de la petite enfance, ainsi que de l'enfance et de la jeunesse. Concernant cette période de vie, la totalité des possibilités modernes de diagnostic, de thérapie et d'accompagnement pédagogique disponibles doivent être reconsidérées et au besoin transformées. En plus ces centres devraient travailler de manière interdisciplinaire, en lien avec des orientations médicales spécialisées. Comme il s'agit, pour les troubles autistiques, d'un tableau clinique appartenant au domaine de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, des liens étroits entre les centres de diagnostic précoce et les structures pédopsychiatriques sont à encourager. La pédopsychiatrie, dans ses orientations interdisciplinaires, est en mesure de pouvoir coordonner les investigations diagnostiques nécessaires, dans les domaines de la pédiatrie, de la neurologie, de l'audiologie par ex, avec les résultats des examens médicaux, par le biais des laboratoires médicaux, par exemple.
Dans un même temps, la pédopsychiatrie bénéficie des connaissances et des expériences venant de psychologues, d'ergothérapeutes, de pédagogues, de physiothérapeutes, de travailleurs sociaux ainsi que d'autres professions, dans la mise en place de structures d'accompagnement à long terme.

L'établissement de tels centres de diagnostic précoce, étant de préférence de la compétence de la pédopsychiatrie, doit être accompagné d'un travail en profondeur concernant l'établissement de programmes pédagogiques et thérapeutiques précoces. Selon les expériences internationales, ceux-ci proviennent essentiellement du domaine de la psychologie, et tout particulièrement des thérapies comportementales. Les programmes intensifs, disponibles sur le plan international et bien établis dans différents pays, impliquent une collaboration étroite entre différents spécialistes au niveau de la coordination, de la supervision et de l'évaluation de l'efficacité de ces programmes A ce propos, ces programmes intensifs devraient être mis en place dans un dialogue étroit avec les structures responsables du diagnostic précoce.
De tels programmes doivent, non seulement dans un futur proche mais déjà actuellement, répondre aux exigences d'un contrôle de qualité permanent. C'est pour cette raison qu'il faut tendre à relier ces programmes à des établissements reconnus dans le domaine scientifique et poursuivant des projets de recherche.
Pour instituer de telles structures nouvelles, il faut mettre en œuvre des conditions particulières afin de pouvoir convaincre le grand public ainsi que les autorités politiques. En effet, pour obtenir une amélioration de la situation, un soutien provenant des instances concernées de l'Etat, tant sur le plan du principe que sur le plan financier, est indispensable de manière urgente, afin de faire régresser les manques dans le domaine de structures d'accompagnement des personnes atteintes d'autisme en Suisse, et d'élever ces structures à un niveau qui permettent aux personnes concernées une qualité de vie comparable aux autres personnes en Suisse.
(Traduction : Catherine Charpié, lic.phil.)

Prof. Dr. H.-C. Steinhausen
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